Avec les peintres authentiques, les purs qui appartiennent au monde très fermé des créateurs, c’est toujours une histoire d’amour avec le trait et la couleur. Un appel qui, généralement, commence avec la première boite de crayons de couleur de l’enfance. Et forcément Laurent Parcelier est de cette trempe, tant il insuffle sur la toile une partie de son âme. C’est un besoin qu’il exprime avec une sincérité sans cesse renouvelée, cherchant à composer l’œuvre qui le satisfasse vraiment. C’est ainsi depuis l’adolescence pour Parcelier qui s’intéresse à l’impressionnisme, rapportant sur la toile les paysages de ce département de Dordogne, qui le voit vivre. Mais le garçon, qui n’a de cesse d’effeuiller les bandes dessinées, va bientôt troquer la couleur contre le crayon. Le voilà dessinateur de ses héros et élève aux Arts Appliqués. Trop à l’étroit dans un cadre, il préfère reprendre son indépendance pour se perfectionner en autodidacte. Manifestement doué, plusieurs de ses albums intitulés « Le Drôle de monde » vont bientôt être publiés. Sa voie semble tracée jusqu’à ce concours de peinture dans la rue où les organisateurs prêtent toiles, tubes et brosses, au dessinateur à la notoriété naissante. Et curieusement Laurent Parcelier qui n’a pas touché un pinceau depuis plusieurs années, décroche le premier prix. Etonnés par le talent du jeune homme, les amateurs s’interrogent : « pour peindre aussi instinctivement, vous avez dû faire beaucoup de tableaux ». Dès lors, la peinture accapare son existence tandis qu’il s’échappe, le plus souvent possible, s’enivrer des toiles de maîtres au musée d’Orsay et au Louvre. C’est précisément cette faculté d’observation, alliée à son graphisme d’auteur de bandes dessinées, qui va donner naissance au style Parcelier. Car véritablement, à travers une interprétation de formes et de taches, l’artiste invente sa propre manière, sans perdre la perception de la réalité. « Il me plait que mes tableaux semblent réels pour que le public puisse reconnaître un lieu » confie l’artiste, qui parcourt la campagne pour s’inspirer du motif, esquissant quelques rapides croquis qui viennent compléter ses archives photographiques. Pour autant il privilégie les cadrages audacieux et les points de vue inventifs, en préservant les atmosphères, pour faire naître le rêve, dans une alchimie chromatique d’une incroyable complexité. Le dessin, toujours panoramique, synopsis de la composition, met à profit les règles classiques de la perspective pour créer le mirage. Et l’artiste utilise souvent l’artifice d’une porte, d’une fenêtre ou d’un portail ancien, pour donner davantage de spatialité à ces espaces, qu’il décline jusqu’à l’infini. Les points de fuite, magistralement orchestrés, attirent le regard, tandis que les effets de profondeur apportent une bouffée d’oxygène à cette œuvre en perpétuel mouvement. Le feuillage, avec ses ombres portées, stimule la quintessence des paysages qui semblent toujours inondés de lumière, même lorsque l’artiste traite des scènes hivernales, parfois enneigées. Il y a tellement de subtilités qu’il convient, un instant de s’arrêter sur la palette, pour s’initier à ce point de vue artistique qui n’a guère d’équivalent à l’aube de ce XXIeme siècle. Car Parcelier, résolument contemporain dans son approche picturale, prend soin de préparer sa palette comme jadis. Ainsi au prélude de chaque œuvre consacre-t-il des heures à élaborer ses propres mélanges, qui serviront à l’ensemble du tableau. Dès lors, il ne lui reste plus qu’à jouer avec ses déclinaisons tonales pour instruire une composition d’une grande tonicité. C’est manifestement l’une des singularités d’écriture de ce peintre qui réussit à construire une œuvre forte, sans avoir recours à une matière brute de tube. Cette alchimie, parfaitement maîtrisée, lui permet de jouer sur une partition colorée aux effets multiples, qui s’accordent parfaitement avec les déclinaisons du jour que l’artiste affectionne. Souvent des après-midis finissants, traduits d’une gamme de bleus violacés et de bruns cuivrés, ponctués de quelques vifs éclats. Dans ce contexte, les éclaircies colorées apportent une répartie aux teintes plus froides, qui s’éteignent doucement à l’horizon d’un flou atmosphérique, minutieusement orchestré. D’un instinct incomparable, ce traitement de la couleur et de la matière réussit à éviter toutes les fausses notes. Qu’il s’agisse des perspectives incroyables du dessin ou des effets séducteurs de la couleur, l’œuvre de Laurent Parcelier n’appartient à aucun phénomène connu ! Et il convient peut-être d’inventer le terme « d’impressionnisme stylisé » pour cataloguer cette approche picturale novatrice, qui empreint d’intemporalité des atmosphères bien vivantes. Tellement vivantes qu’il ne reste plus au spectateur, qu’à se raconter une histoire, pour que l’illusion soit parfaite. Dès lors, Parcelier est heureux, profondément réjoui d’avoir su transmettre un peu de ses rêves !
Thierry SZNYTKA
Arts Actualités Magazine.